Tout d’abord, sachons gré à Quentin Bessière de nous avoir fait découvrir Horace Jackson Brown Junior (1940-2021), publicitaire et écrivain américain, dont Wikipédia nous apprend que son ouvrage le plus célèbre, Life’s Little Instruction Book, sorte de vade mecum à l’intention de son fils entrant à l’université, qui contenait 511 recommandations quant à la manière de « vivre une vie heureuse et enrichissante », fut un best-seller mondial au début des années 90.
Pourquoi évoquer ici l’excellent Horace ? Simplement parce que Quentin s’inspire des valeurs qu’il met en avant. Il donne volontiers à lire un extrait de son texte Be Brave, qui représente pour lui l’exemple même de ce que doit être un entrepreneur, et qui l’anime au quotidien. Qu’on en juge :
« Soyez courageux. Si vous ne l’êtes pas vraiment, forcez-vous à l’être…
N’ayez pas peur de prendre des risques, c’est ce qui vous rapportera le plus.
Cherchez les opportunités, pas la sécurité.
Quand vous faites face à une tâche difficile, agissez comme s’il était impossible d’échouer.
Sachez choisir vos priorités : apprenez à dire non, mais avec politesse.
Ne dites jamais que vous n’y arriverez pas faute de temps ; vous avez le même nombre d’heures que Pasteur, Michel-Ange, Mère Teresa, Leonard de Vinci et Albert Einstein avaient dans leur journée !
Ne donnez pas beaucoup d’importance à des sujets mineurs.
Ne vous arrêtez pas sur vos échecs avec regrets, tirez-en des enseignements et avancez.
Apprenez à donner une deuxième chance… Une deuxième mais pas une troisième !
Ne surestimez pas votre capacité à changer les autres.
Ne sous-estimez pas votre capacité à vous changer vous-même.
Passez moins de temps à vous demander qui a raison, plus de temps à décider ce qu’il faut faire.
Souvenez-vous que les gagnants ont souvent fait ce que les perdants n’ont pas eu envie de faire ! »
Après ça, évidemment, Kerouac peut aller se rhabiller…
Prix Coup de cœur de l’EM Lyon
A 7 ans - cet âge où les petits garçons se rêvent pompiers ou Mbappé - Quentin Bessière voulait être ‘directeur général d’entreprise’, « sans avoir la moindre idée de ce que cela signifiait » ! On y verra volontiers une forme de prédestination, même si Quentin n’a entrepris « que sur le tard de [ses] 18 ans » (sic !), alors qu’il venait d’intégrer l’EM Lyon Business School où il s’ennuyait déjà un peu. « L’avantage d’une école de commerce, c’est que l’on peut y mener des projets entrepreneuriaux. Avec un camarade, nous avons créé une agence de marketing. C’était une façon de faire nos gammes dans la création d’entreprise. En deuxième année, nous avons imaginé une appli qui a révolutionné la vie du campus. Comme j’oubliais toujours mon badge d’accès à l’école, on s’est dit qu’il serait plus pratique de l’intégrer dans nos téléphones mobiles. Nous avons réalisé un badge électronique digitalisé - l’ancêtre de PassPass, en quelque sorte - et gagné le prix Coup de cœur de l’EM Lyon ! » De quoi leur donner confiance pour poursuivre dans cette veine créatrice et, pour Quentin, d’arrêter là ses études afin de se consacrer pleinement à l’entreprise. « C’était la meilleure décision à prendre, même si mes parents étaient un peu dubitatifs. »
Avec un associé, il développe son système de badge téléphonique pour le proposer aux hôtels afin d’automatiser l’arrivée de leurs clients, et se paie le luxe de recruter un stagiaire pour développer le logiciel nécessaire. « Senthan Thanabalasingam était la pointure dont nous avions besoin. D’ailleurs, il est devenu co-fondateur de PassPass dont il est aujourd’hui le CTO. »
Si le projet s’arrête un peu pendant la Covid-19, le confinement permet à Quentin et Senthan d’en mûrir les tenants et les aboutissants. Mais quand ils vont en proposer le principe aux hôteliers lyonnais, leur jeunesse sonne comme un handicap. Ils décident alors d’aller sur le terrain du Airbnb.
Partage automatique des informations
« La gestion des arrivées, des départs et la remise des clés en général, est la plus grande source de stress pour les voyageurs comme pour les propriétaires de logements. Nous avons développé un standard de partage d’informations en temps réel pour rendre le voyageur autonome : guidage GPS jusqu’au logement, indication de la bonne porte dans le bon immeuble, etc..., comme une sorte de jeu de piste, étape par étape, avec photos, et message indiquant l’arrivée à bon port. »
La suite logique consistait à simplifier la vie des propriétaires ou des responsables de conciergeries dans la gestion de leurs biens. Aujourd’hui PassPass met en oeuvre 4 applications synchronisées et indépendantes entre les différents intervenants du processus de location courte durée (voyageurs, gestionnaires, personnels chargés de l’entretien, etc.), chacun ayant son interface pour un partage automatique des informations.
C’est la rencontre avec Fabien Baijot, fondateur à Reims de Loca Ren’t, qui a permis à Quentin et Senthan d’entrer dans le vif du sujet en cherchant des solutions à ses problèmes. Il faut croire que lesdites solutions ont porté leurs fruits puisque non seulement Fabien Baijot est devenu le troisième co-fondateur de PassPass, mais que la start-up, officiellement crée en septembre 2020, a ouvert ses services à la clientèle en janvier 2022 et que, sans autre démarche commerciale que le bouche à oreille, elle enregistre aujourd’hui une croissance de 20 % par mois (en termes de logements pris en compte par l’appli et de revenus).
« PassPass est le chaînon manquant de la gestion de conciergerie touristique. Alors que la France est le leader mondial du tourisme, il n’y a pas d’entreprises françaises qui soient leader dans ce domaine. Voilà pourquoi en automatisant toutes les tâches répétitives qui n’ont pas de valeur ajoutée sur l’activité elle-même, nous avons l’ambition de révolutionner le tourisme en France. » Au passage, Quentin prend pour exemple Amazon, « qui n’a pas apporté grand-chose à l’achat par Internet, mais qui a révolutionné la délivrance des produits ». Tant qu’à avoir des références, n’est-ce pas…
« Je fais ce qui me passionne »
A 23 ans, Quentin Bessière a consacré la fleur de sa jeunesse à son entreprise. Il a abandonné la guitare (« au lycée, j’avais fondé un groupe de rock et nous avions donné quelques concerts. J’avais imaginé, un moment, que nous devenions professionnels. Nous avions nos chances. Je n’ai pas pu réaliser ce rêve. Peut-être cela a-t-il été mon premier échec d’entrepreneur. Je n’ai pas envie que cela se reproduise avec PassPass ») et le sport (« jusqu’en prépa je faisais 8 heures de sport par semaine - musculation, handball, escalade, badminton… J’ai dû arrêter pour des raisons de santé. J’aimerais bien m’y remettre, mais je n’en ai plus le temps aujourd’hui. Je me lève à 5 h 30, et je reviens chez moi à 20 h, crevé… »). A-t-il pour autant le sentiment de la rater, cette jeunesse ? « Si rater sa jeunesse c’est passer à côté des soirées alcoolisées, alors tout va bien ! A 23 ans, si tu ne travailles pas plus que les autres, tu seras forcément moins performant. Et puis c’est sans doute le seul moment où l’on peut faire des erreurs - et tout le monde trouve ça normal. J’ai choisi cette vie d’entrepreneur, je m’y adapte. Je fais ce que je veux, et surtout ce qui me passionne - avec l’équipe formidable qui m’entoure. »
Apprendre semble être le leitmotiv de Quentin Bessière. Jusque dans sa vie privée. Comme il est en couple avec une jeune Chinoise qui, pour l’instant, ne maîtrise pas bien le français - et lui encore moins le mandarin - il parle anglais à la maison. « Cette forme de multiculturalisme, d’apprentissage d’un autre mode de pensée, c’est particulièrement enrichissant. » Pour vivre d’amour et d’eau fraîche il n’en perd cependant pas de vue son objectif et vient de réaliser une levée de fonds destinée à accélérer le développement commercial de PassPass. Ambition affichée : en faire la référence en matière de gestion locative de courte durée. Pour un bail.
